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Créocéan
Nous avons le plaisir d’accueillir depuis 2 mois Lucia PINEAU-GUILLOU, experte en océanographie côtière et spécialiste du niveau de la mer et des événements extrêmes, au sein de CREOCEAN.
Ingénieure en hydraulique et docteure en océanographie physique, elle cumule plus de 25 ans d’expérience dans l’étude et la modélisation des environnements littoraux, acquise au sein de bureaux d’étude, du SHOM et de l’Ifremer. Responsable de projets de recherche européens et nationaux, Lucia s’investit également dans la structuration de la communauté scientifique sur les enjeux côtiers, en lien étroit avec les acteurs publics et privés.
Rencontre avec une experte engagée, au service d’une meilleure compréhension et anticipation des risques liés à la mer.
Pourrais tu nous expliquer ce qu’implique ton travail chez CREOCEAN et quelles sont tes misions ?
J’ai rejoint CREOCEAN pour apporter mon expertise auprès des équipes de modélisateurs. Mon rôle est de garantir que les méthodes appliquées soient à l’état de l’art, et assurer la précision des résultats obtenus. J’ai également en charge le développement d’activités R&D, autour des questions d’adaptation au changement climatique.
Qu’est-ce qui te passionne le plus dans ton métier ?
Les défis scientifiques et techniques auxquels nous sommes chaque jour confrontés. Les interactions entre l’océan, l’atmosphère et le terrestre sont d’une complexité extrême, et il faut parfois faire preuve de ténacité pour réussir à démêler tout ça. De nombreux outils, comme les modèles par exemple, sont à notre disposition. Mais pour bien les interpréter, il est essentiel de ne pas perdre de vue leurs hypothèses et leurs limites.
Tu travailles depuis de nombreuses années sur le niveau de la mer et les risques côtiers : quels sont, selon toi, les grands enjeux dans ce domaine aujourd’hui ?
Les grands enjeux des cinquante à cent prochaines années vont être de s’adapter au changement climatique. C’est facile à dire, mais compliqué à réaliser. Le changement climatique se fait sur des échelles de temps très longues, alors que les décisions, se prennent généralement dans l’immédiateté, sur des échelles bien plus courtes. Ensuite, l’adaptation passe par une réflexion de fond sur « comment » s’adapter. Faut-il ériger des protections toujours plus hautes, pour épargner le littoral de la montée des eaux ? Faut-il au contraire laisser par endroits la mer s’infiltrer, quitte à faire place à de nouveaux écosystèmes ? Les enjeux et les acteurs étant multiples, la réflexion n’en est que plus difficile. Mais une chose est certaine : il ne faut pas attendre, et dès maintenant anticiper.
Concrètement, comment les modèles numériques et les campagnes de mesures en mer peuvent ils aider à mieux anticiper les risques côtiers ?
Les modèles numériques sont des outils puissants pour anticiper les risques côtiers. Ils résolvent les équations de la physique, et peuvent simuler des tempêtes, comme par exemple la tempête Xynthia qui a durement frappé nos côtes, en février 2010. A partir de données d’entrée, comme la marée ou les vents, les modèles fournissent en sortie une cartographie des zones inondées. On peut ainsi simuler les tempêtes actuelles, mais aussi les tempêtes à venir dans un monde plus chaud, et voir à quel point les zones inondées seront différentes. Mais le bémol, c’est qu’on ne connait pas bien toute la physique, et donc certains termes des équations doivent être paramétrés dans les modèles. C’est là que les campagnes de mesures entrent en jeu. Les mesures sur le terrain sont indispensables pour bien caler ces paramètres, voire développer de nouvelles paramétrisations, plus adéquates, contribuant ainsi à améliorer les modèles. En court, nos modèles se nourrissent d’observations en mer. C’est encore plus vrai pour les gros modèles comme les modèles météorologiques, qui « assimilent » les observations, c’est-à-dire qui les ingèrent en quelque sorte, pour améliorer les prévisions.
Quelles sont les réponses les plus prometteuses aujourd’hui pour accompagner les territoires littoraux face aux effets du changement climatique ?
Certaines solutions, basées sur la nature, sont très prometteuses. Le concept n’est pas nouveau, puisqu’il a émergé il y a plus de 15 ans, lors de la conférence de Copenhague des Nations Unies sur le changement climatique de 2009. Ces solutions ont pour objectif de préserver les écosystèmes et restaurer ceux qui sont dégradés. Par exemple, les végétaux en zones littorales permettent de minimiser les risques côtiers. En mer, les herbiers marins dissipent l’énergie des vagues, ce qui permet de modérer les submersions marines. A terre, la végétation dunaire retient le sable, limitant ainsi l’érosion du littoral.
Si tu pouvais transmettre un message aux jeunes ingénieur·e·s ou chercheur·e·s intéressé·e·s par l’océanographie, que leur dirais-tu ?
Je leur dirai que la planète est en déséquilibre, mais que la voie est libre pour inventer des solutions !
Interview réalisée le 02/07/2025 - Lucia Pineau-Guillou - Céline Souil - Créocéan
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